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Tocqueville et l'Islam
Extraits de la correspondance d'Alexis de Tocqueville (Tocqueville. Lettres choisies. Souvenirs Quarto Gallimard 2003)
21 mars 1838 : « .depuis quelques jours je lis la vie de Mahomet et le Coran. Cette dernière lecture est une des plus impatientantes choses et des plus instructives qui se puissent imaginer parce que l'oeil y découvre facilement en y regardant de fort près tous les fils à l'aide desquels le prophète tenait et tient encore ses sectateurs. C'est un cours complet d'art prophétique que cette lecture-là et je t'engage fortement à la faire.je trouve que sa seule lecture indique merveilleusement les différentes destinées des musulmans et des chrétiens. Le Coran ne me paraît être qu'un compromis assez habile entre le matérialisme et le spiritualisme. Les tendances violentes et sensuelles du Coran frappent tellement les yeux que je ne conçois pas qu'elles échappent à un homme de bon sens. Le Coran est un progrès sur le polythéisme en ce qu'il contient des notions plus nettes et plus vraies de la divinité et qu'il embrasse d'une vue plus étendue et plus claire certains devoirs généraux de l'humanité. Mais il passionne et sous ce rapport je ne sais s'il n'a pas fait plus de mal aux hommes que le polythéisme, qui n'étant un ni par sa doctrine ni par son sacerdoce ne serrait jamais les âmes de fort prêt et leur laissait prendre assez librement leur essor. Tandis que Mahomet a exercé sur l'espèce humaine une immense puissance que je crois, à tout prendre, avoir été plus nuisible que salutaire. »
22 octobre 1843 : «. J'ai beaucoup étudié le Coran à cause surtout de notre position vis-à-vis des populations musulmanes en Algérie et dans tout l'Orient. Je vous avoue que je suis sorti de cette étude avec la conviction qu'il y avait eu dans le monde, à tout prendre, peu de religions aussi funestes aux hommes que celle de Mahomet. Elle est, à mon sens, la principale cause de la décadence aujourd'hui si visible du monde musulman et quoique moins absurde que le polythéisme antique, ses tendances sociales et politiques étant, à mon avis, infiniment plus à redouter, je la regarde relativement au paganisme lui-même comme une décadence plutôt que comme un progrès. »
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